Les dommages collatéraux de la faillite du groupe Khalifa n’ont pas fini et les plaies ne se sont pas encore cicatrisées que surgisse ce que est appelé «L’Affaire Tonic ». C’est comme si les champions nationaux - quelle que soit la manière dont ils le sont devenus – sont inévitablement voués à connaître de pires difficultés si ce n’est disparaître purement et simplement.
Toutes les démocraties occidentales veillent jalousement à sauvegarder les intérêts des salariés à travers la sauvegarde des entreprises bien qu’elles soient privées et les exemples sont légions. Nous citerons les cas du groupe industriel français Alstom et de hedge fund américain LTCM.
L’entreprise Alstom qui était en 2003 au bord de la faillite a été sauvée d’une mort certaine par l’Etat français malgré l’hostilité des instances européennes de la concurrence. Marx a-t-il fini par prendre sa revanche ? Absolument pas. Sauver Alstom a plus d’avantages que d’inconvénients. Parce que sauver Alstom, c’est maintenir des technologiques dont tout le monde rêve, mais aussi, et je dirais surtout, maintenir un outil de production source de revenus pour 110 000 salariés. Il était ainsi inconcevable qu’un fleuron de la taille d’Alstom constructeur de trains, de centrales nucléaires et de paquebots comme le «Queen Mary II», connaisse le même sort que celui du Titanic. Parce que la disparition de cet acteur aurait laissé sur le carreau des dizaines de milliers de salariés. L’Etat français a fini par faire sortir le groupe Alstom de la mauvaise passe. Mieux encore, Alstom jouit actuellement d’une santé financière insolente.
Mais quelle mouche a piqué les Etats-Unis, royaume de libéralisme économique, pour entreprendre de sauver une entreprise à capital 100% privé, à coup de centaines de milliards de dollars injectés ? Les fondateurs du libéralisme économique se sont-il pour autant retourner dans leur tombe ? Au contraire.
En effet, le Long-Term Capital Management (LTCM) - fonds d'arbitrage new-yorkais – misait sur les marchés des sommes gigantesques empruntées, avec comme corollaire, un endettement énorme. Tant que la machine restait bien huilée tout se passait bien mais dès qu’un grain s’est mis de travers, toute cette belle martingale s’est écroulée comme un château de cartes entraînant sur son passage la dégringolade des marchés financiers de la planète. LTCM ne pouvait plus faire face à ses échéances autrement qu'en « coupant » ses colossales positions, ce qui aurait provoqué des krachs en série. La Réserve fédérale est intervenue pour renflouer les caisses de ce fonds non pas parce que les responsables de ce dernier entretiennent des relations privilégiées avec les dirigeants américains mais plutôt en raison du risque systémique encouru. Compte tenu des énormes positions prises par ce fonds, il constituait un maillon très important de la chaîne et qu’une faillite de ce maillon se serait propagé sur toute la sphère financière (bourses, banques, assurances …). Le réalisme de l’oncle Sam a pu contenir les conséquences fâcheuses de cette mésaventure au mépris de l’idéologie ultralibérale.
Coca-Cola et les Etats-Unis
La morale de l’histoire, c’est que les démocraties occidentales agissent en cohérence avec les aspirations et le bien-être de leurs peuples en entreprenant les mesures qui s’imposent pour aboutir à des solutions les plus optimales et pour l’entreprise et pour les salariés. Parce qu’au final les intérêts de l’entreprise, du citoyen et de l’Etat convergent vers un même objectif : L’Etat ne peut être fort qu’en présence d’entreprises puissantes. Il est bien de rappeler que la doctrine géopolitique américaine est «Tout ce qui est bon pour Coca-Cola est bon pour les Etats-Unis».
Suivant cette doctrine dont je suis partisan, tout ce qui est bon pour Cévital, Tonic et autre Hamoud Boualem est bon pour l’Algérie.
Tous les pays du monde orientent leurs politiques économiques et prennent leurs décisions dans l’optique de la constitution de champions nationaux parce que la diplomatie moderne se révèle beaucoup plus efficace par le canal d’entreprises fortes que via les chancelleries.
Il est dans l’intérêt de notre pays de favoriser l’émergence de champions nationaux privés capables d’imposer le «Made in Algeria» au-delà de nos frontières. Voir les boissons Hamoud Boualem sur les étals des grandes surfaces en France est aussi fort en termes d’images pour notre pays que le travail de nos représentations diplomatiques avec un avantage de taille c’est que Hamoud Boualem ne coûte rien pour le contribuable mais encore mieux il en rapporte.
«Too big to fail», oui mais en Algérie ?
Quelle que soit la situation financière de Tonic, il est injuste de faire porter le chapeau aux seuls propriétaires parce que l’Etat à travers la banque publique BADR porte aussi sa part de responsabilité.
Selon le principe de «Too big to fail» il est de la responsabilité morale de l’Etat de déployer tous les efforts aussi bien financiers que politiques pour venir à la rescousse d’entreprises en difficultés passagères pour le maintien de l’emploi.
Le groupe Tonic représente un enjeu - en termes d’emplois entre autres - tellement grand pour que les pouvoirs publics mettent tout en œuvre pour remettre l’emballagiste sur les rails
Il est heureux de constater que les pouvoirs publics se sont appropriés cette doctrine en prenant conscience de la nécessité de sauvegarder le leader algérien de l’emballage et de rassurer des milliers de salariés qui étaient aux abois.
Les déclarations du ministre des finances et la libération provisoire de Hamid Rebahi sont de nature à rassurer sur la volonté des pouvoirs publics à sauver le soldat Tonic.