06 février 2006

Processus de Barcelone : Les patrons algériens sont amers

L'entrée en vigueur de l'accord d'association avec l'Europe aggrave la frustration des entrepreneurs algériens.


Lancé il y a quelques années, le pont logistique entre Oran (430 km à l'ouest d'Alger) et Alicante n'avance pas à cause du peu d'intérêt des Espagnols. Ce projet devrait surtout permettre aux hommes d'affaires des deux pays de se préparer à l'entrée en vigueur de la zone de libre-échange entre le Maghreb et l'UE, prévue pour 2010 par le processus de Barcelone. Le pont logistique entre Oran et Alicante, l'un des rares projets initiés entre les hommes d'affaires algériens et espagnols, est victime de l'échec du partenariat euroméditerranéen. "Les relations d'affaires entre les opérateurs économiques maghrébins et européens ne sont pas développées, estime Naoum Benamer, consultant et directeur d'une PME à Oran. Mais il n'y a pas de sentiments dans les affaires. Les patrons maghrébins doivent faire des efforts pour faire face à la concurrence des produits européens."

Cet optimisme n'est pas partagé par de nombreux patrons algériens. Entrée en vigueur le 1er septembre dernier, l'accord d'association entre l'Algérie et l'UE, qui prévoit une zone de libre-échange en 2017, a déjà mis sur le pavé un millier de travailleurs de l'Entreprise nationale du sucre. D'autres entreprises publiques et privées sont menacées de fermeture. "Les produits algériens ne répondent pas aux normes européennes et il faut du temps et de l'argent pour les adapter. La mise à niveau des entreprises n'a pas donné de résultats, estime un chef d'entreprise. Concurrencée par la Chine, l'Europe veut se rabattre sur le Maghreb pour vendre ses produits."

Mise à niveau. Un avis partagé par le patron de Bya Electronis, partenaire de Thomas Multimédia en Algérie : "Les entreprises européennes veulent se servir des entreprises maghrébines pour pénétrer notre marché. Peut-on parler de partenariat lorsque la circulation des personnes est assujettie à des quotas de visas ?" Les rares entreprises algériennes capables d'exporter leurs produits vers l'Europe sont confrontées à la bureaucratie locale et au protectionnisme européen. "L'Europe applique une taxe spécifique de 400 euros sur la tonne de sucre dans le cadre de la PAC, ce qui rend impossible toute exportation algérienne de sucre vers l'Europe", souligne Issaâd Rebrab, propriétaire du groupe privé Cevital (agroalimentaire).

L'idée de limiter le processus de Barcelone aux seuls pays européens de la Méditerranée ne semble pas suffisante pour relancer le partenariat euroméditerranéen. "En dehors de la France, les autres pays européens de la Méditerranée ont eux-mêmes besoin des aides européennes. Si des pays comme l'Allemagne ne s'impliquent pas, c'est l'échec, estime un ancien ministre. L'échec du processus de Barcelone est dû à l'absence d'une volonté politique de la part des Européens qui sont préoccupés par l'élargissement vers l'Est. Mais il ne faut perdre de vue que les pays du sud de la Méditerranée sont empêtrés dans la mauvaise gouvernance." Toutefois, le temps est compté aussi bien pour les patrons algériens obligés à mettre à niveau leurs entreprises que pour l'UE qui est de plus en plus confrontée à la montée de l'influence américaine dans le Maghreb.
La Tribune

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