22 janvier 2006

Adam Smith, l’arabe du coin et le sourire de la crémière

Dans un contexte de la mondialisation des échanges, les économies du monde sont de plus en plus interdépendantes et la notion de frontières n’a plus de sens. En effet, une décision d’ordre économique, fiscal ou social prise dans un pays donné produit ses effets au-delà des frontières nationales du fait du caractère mobile du capital. D’aucuns parlent du sacre du libéralisme ! Alors faut-il en avoir peur ?

Le modèle libéral s’est imposé dans tous les pays de l’Union européenne excepté en France où, ironie du sort, la majorité au pouvoir est de droite !

Quand on parle de libéralisme, de quoi parle-t-on au juste ? Le libéralisme suppose la liberté des individus dans leurs choix d’autant plus que ces derniers sont censés être rationnels. Toute décision qu’un individu est amené à prendre est dictée par son intérêt personnel. L’opportunisme est le moteur du développement de l’humanité. Mais comme les individus vivent en collectivité, les intérêts des uns sont étroitement liés à ceux des autres d’où la notion de libre-échange.

Paradoxalement, plus on tient à nos propres intérêts mais aussi à nos satisfactions ne serait-ce que symboliques, mieux la collectivité se porte. Un riche qui fait un don à des pauvres où à une collectivité au-delà du caractère caritatif de son acte poursuit un objectif personnel qui pourrait être une action de lobbying ou un simple objectif de reconnaissance sociale. Par voie de conséquence, les gestes de générosité ne sont que rarement désintéressés. Tout acte suppose une contrepartie ne serait ce qu’une satisfaction morale.

Cet opportunisme est-il bénéfique à la collectivité ? La réponse est indéniablement OUI parce que les individus, en poursuivant leurs seuls intérêts et sans le vouloir procurent une utilité pour les autres : C’est ce que Adam Smith appelle la main invisible.

Selon Smith : « Ce n’est pas de la bienveillance du boucher, du brasseur ou du boulanger que nous attendons notre dîner, mais de l’attention qu’ils portent à leur propre intérêt. Nous nous adressons non pas à leur humanité, mais à leur amour d’eux-mêmes et nous ne leur parlons jamais de nos propres besoins mais de leur avantage »

Ainsi lorsque la crémière nous sourit c’est par pur opportunisme bien qu’il n’y ait rien de répréhensible dans son comportement. Et l’arabe du coin, bien que mû uniquement par son propre intérêt en restant ouvert 7 jours sur 7 et à des heures tardives, sans le vouloir, fait également notre bonheur en tant que clients-consommateurs.

La relation employeur-employé obéit à cette même logique. Si on se lève chaque jour tôt le matin, qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige ce n’est certainement pas par amour pour son patron et asymétriquement, si notre employeur nous embauche et ensuite, et surtout, nous paie ce n’est pas non plus par un quelconque élan de générosité.

De ce qui précède, il n’y a pas de plus efficace et de plus optimal pour la société que la poursuite de notre propre intérêt et rien que notre intérêt. De ce fait, l’intervention de l’Etat est-elle nécessaire ? La réponse est oui à condition que cette intervention reste dans des proportions raisonnables. L’Etat doit être le garant de cet ordre des choses en assoyant de la sécurité juridique et en défendant les intérêts des uns et des autres.

Considérer que l’Etat peut nous garantir du travail à travers son arsenal juridique est une grave erreur. Même si la législation française du travail est la plus protectrice d’entre toutes celles des pays de l’UE, il n’en demeure pas moins que le taux de chômage y est le plus élevé !

Compte tenu des rigidités de la législation sociale (procédures de licenciements lourdes et encadrées, 35 heures, heures supplémentaires majorées…) les chefs d’entreprises qui sont des individus au même titre que le commun des mortels, tournent leurs langues 7 fois dans leurs bouches avant de décider de créer un emploi.

Alors quoique l’on dise, la création des dispositifs CNE-CPE est une excellente initiative. A ceux qui estiment que le contrat nouvelle embauche et le contrat première embauche sont des contrat de précarisation, sachez qu’il n’y a pas de plus précaire qu’une situation de chômage.

Dans le monde d’aujourd’hui, trop de protection tue la protection ! La preuve ? Prenons le secteur de l’habitat : la loi alourdit, quand elle ne l’interdit pas, les procédures de mise à la porte d’un locataire, même de mauvaise foi, qui n’arrive pas, ou refuse, de régler son loyer pour je ne sais quel prétexte. Résultat des courses : un nombre de logements vides énormes ! et lorsque les propriétaires daignent les louer, ils demandent de plus en plus de références et de garanties que les personnes à revenus modestes ou d’origine étrangère se trouvent évincer d’office alors que la loi est censée justement protéger cette catégorie de personnes.

Alors si vous revenez bredouille d’un entretien d’embauche et que vous avez du mal à trouver un logement alors qu’intellectuellement vous faites partie de la crème de la société, un seul conseil : à l’instar de la crémière, souriez !

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